BIOGRAPHIE
Léo Butnaru est né à Negureni, département d'Orhei en 1949 ● Diplômé de la Faculté de Journalisme et Philologie de l'Université de Kichenev ● Rédacteur du journal "La jeunesse de Moldavie" depuis sa période estudiantine ● Etant officier de l'Armée Soviétique (1972/1974) il suit également les cours de la chaire militaire de l'Université ● Débuts littéraires: "Aile de lumière" (1976) ● Membre de l'Union des Ecrivains d'URSS (1977) ● Il fait partie de la rédaction de "Littérature et Art" est chef du département des "Nouvelles Editoriales" puis promu Rédacteur en Chef de la revue "Moldavie" ● Vice Président de l'Union des Ecrivains de Moldavie ● Rédacteur en chef des Editions "Eus" ● Président de la Filiale Kichenev de l'Union des Ecrivains de Roumanie ● Membre du PEN Club International ● Prix de l'Union des Ecrivains Roumains (1998) ● Prix National de la République de Molavie (2002).
BIBLIOGRAPHIE
Auteur de plus de 50 volumes de poésie/ prose/ essais et de traductions ● Ses livres ont été publiés dans des maisons d'éditions de Kichenev/ Bucarest/ Iassy/ Cluj/ Alba Iulia/ Timisoara/ Madrid ● Sa poésie figure dans plusieurs anthologies prestigieuses ● Sa poésie a été incluse dans l'ouvrage anthologique' conçu par Laurentiu Ulici: "Mille et une poésies roumaines" ●Traduit en albanais, arménien, bulgare, anglais, français, allemand, letton, macédonien, russe, serbe, slovaque, espagnol, suédois, ukrainien, hongrois.
JADIS
… quand j'étais jeune
j'étais
un cimetière de poèmes
pas encore nés…
LE LIVRE ET LA QUATRIEME
DE COUVERTURE
De mes livres
la poésie s'adresse au monde:
"Je suis ici avec
mon cobaye", dit-il
sortant un doigt de ses pages
pour montrer ma photo
figée sur la quatrième
de couverture.
L'ŒUF ORPHIQUE
Bourlinguant à travers
les colonies romaines
le jeune Christ citait
des passages de l'Iliade et de l'Odyssée
(avec sa mémoire sacrée
il lui était impossible de ne pas les savoir par cœur)
et lorsqu'il s'arrêtait un instant
sur la poussière mésopotamienne
il traçait à l'aide d'un bout de bois
des X et des Y et bien d'autres
inconnues de ces théories de Pythagore
(l'homme qui faisait peur) demi-Dieu
d'il y a quelque cinq siècles…
Une fois
le jeune Christ se pencha
sur le mythe de l'œuf orphique
qui pendant un coucher de soleil
vit comment il rougissait
devant la première prédiction pascale
qui semblait inévitable…
ENCORE PLUS
En pleine nuit lorsqu'on s'installe
sous nos refuges ombragés
on voit se dissoudre l'éphémère
signe d'un jour qui s'évanouit.
La routine assassine le sentiment tragique
que le Saint Jésus ferme les portes
laissant ouvert le sentier vers la Porte Suprême.
Lorsqu'on a faim
on pense aux alvéoles de l'esprit du mythe
dont
on se nourrit avec les frelons de la tristesse.
Tranquilles
on se signe devant
les chefs-d'œuvre
icônes accueillantes.
Des taches de bleu font la rocade
impressionniste sur la ville/ aux apparences de ruche
endormie pour quelques heures.
Et moi je pense ou je rêve
de la bonté des paroles qui abordent
l'infini même
l'absolu – ou quelque chose qui toujours
vaut plus que soi-même.
PLUS
(plus)
un minuscule
Jésus
crucifié
sur le signe
plus
comme s'il
se ramassait
en
(plus)
CONCLAMATUM EST
Même si tu n'es pas ange
regarde vers ta maison
la lyre te suit
comme enchantée
lévitant sur un brin d'herbe
lorsque tu vas tourner la tête
à travers ses cordes
tu verras Eurydice
comme si elle était
derrière les barreaux.
AMOUR
Seul un grain de sable a place
entre nos cœurs.
De son grain
pourrait pousser une perle
mais
le désert lui aussi
peut commencer
avec un grain de sable…
ELEGIE DISCO
Margueritte réalisa qu'elle
volait à une vitesse fantastique.
Mihail BULGAKOV
Nuit, lune, disque de gramophone
à 33 rotations par minutes
illustrant la triste valse de la femme volante.
Elle va plus loin
que l'œil puisse voir
que l'ouïe puisse entendre,
mais
même de là d'où elle est
elle reconnait cette ville
l'une des rares de notre siècle
dans laquelle on entend
le chant du rossignol
dans son cœur même.
Au-dessus des toits hauts et lisses
tels les pistes d'atterrissage
le crépuscule semble être
une tasse de café brûlant
au bord de laquelle tremblent
les lèvres ardentes des enseignes de néon.
Seuls
dans leur passage fulgurant
les tramways éclairent de temps à autre
la vieille rue étroite…
Dans cette rue-là
Margueritte s'est offert
un premier baiser,
son cadeau d'ailleurs.
Mais comment voyait-elle alors le monde ?
Les larmes éclairent son visage
même maintenant lorsque l'écho
de ses confidences
vibre sur ses lèvres
comme un rêve inachevé.
(Le passé est-il intouchable?)
Mais peut-être que le mal
est passager comme le Moyen Age,
par exemple.
Vol plané, vol plané…
Dans le silence profond
elle entend son sang susurrant
traverser son bras vers le bout de ses doigts
tel l'éternel rayon des étoiles descendant
des cieux sur sa tête…
Vol plané. La ville est en bas
trop bas.
– Même pas ici, loin dans l'univers
ne sois pas isolé
cœur
chante la femme volante.
Traduit du roumain par George ASTALOS
PHYSIONOMIE
ne souille pas la lumière
de ton visage crispé par la haine
LA RÈGLE
o, toi, poésie
douce-amère,
tu n’as rendu personne
absolument fortuné,
mai juste
(merci encore – l’occasion est bonne)
moins infortuné tu nous a rendus
AMOUR
Rien qu’un grain de sable peut se trouver
entre nos deux ceurs réunis
De là
une perle pourrait s’épanouir.
De même qu’il pourrait être cause
d’un possible désert...
VEXATION
Mûrier aux piquants sinistres, comme de rouille,
pareils à des clous à l’agonie, pantois;
dans l’air du couchant violet, en vadrouille
se firent voir à ton niveau – même au-dessus
des pieds nus, épouvantabelement retirés
dans le ciel, à travers une bien pale aura –
je fus penaud à l’idée que c’était Jésus,
à qui tes piquants remémoraient l’image
des clous maniés pour son supplice sur croix.
VIPÈRE AU PONANT
Alors que le couchant est comme chevauché
par rougeatres décombres de nuages tenus en bride,
parmi ses vestiges rougeauds, passe au travers
le solaire scintillement, à ce point sphéroïde,
puis, se reflétant dans tout ce qui est lisse
comme un suprême avec la nuit désaccord,
il incendie jusqu’à l’oeil de la vipère –
comme un enfer marqué par une mèche Bickford.
LA NÉCESSAIRE ILLUSION
Impatience et précipitation,
témoignage et secret bien amer,
menottes à l’éclat du corindon –
mon illusion tellement nécessaire.
Psaume biblique, sens puisés aux traités,
incantation – écriture bien claire,
intelligente, rusée naïveté –
mon illusion tellement nécessaire.
Espoir transformé en religion,
charbon sous une combustion d’enfer,
évasion de la componction –
mon illusion tellement nécessaire.
Ruine et créneaux ignorant toute trêve,
abysse et après-midi solaire,
rêverie en rêvant que je rêve –
mon illusion tellement nécessaire.
Mutisme de voleur ou cri d’alarme
de tout gardien devant un faussaire,
poison-remède: l’on s’en porte comme un charme –
mon illusion tellement nécessaire.
Des vers d’aujourd’hui et de demain,
de sa consécration douce-amère,
il y a quelque chose qui t’appartient:
mon illusion tellement nécessaire.
Traduit du roumain par Constantin FROSIN |